mercredi 12 avril 2017

Paris de toutes les couleurs #ParisMarathon


9 avril 2017.
Deux ans déjà que participer au marathon de Paris me titillait.
Il y a deux ans, j'étais encore trop jeune, expérience de course à pied parlant.
L'année dernière, plutôt que Paris, c'est un dossard pour le marathon de Düsseldorf que je remportais.
Cette année, c'est grâce à un concours du magazine Run Magazine que j'obtins mon précieux sésame pour la distance reine de la course à pied dans la capitale.

  • La préparation
Préparer un marathon de printemps, ça te durcit toujours un peu plus vu que ta prépa, tu la fais lorsque tu es encore en plein créneau d'heures d'hiver (la nuit, le froid, tout ça), que tu la fais par tout temps, qu'il flotte, qu'il fasse froid et que sais-je encore. Tu dois aussi aller t'entraîner en semaine le midi et ça non plus, ce n'est pas toujours évident comme je l'évoquais il y a un an par là.
Le Marathon de Paris, je comptais y aller cette année "sans pression" vu que deux autres objectifs du même niveau se profilaient déjà dans les mois à venir pour 2017. En revanche, on ne se refait pas, y aller sans pression peut-être mais ne pas relâcher les entraînements pour autant et avec du recul, j'ai su tenir ma prépa comme il faut avec mes quatre sorties par semaine, mes séances de PPG et streching en parallèle et ne pas baisser la garde côté nutrition également.
C'est donc avec un sentiment d'être plutôt bien préparée que je débarquais avec ma petite famille le 8 avril à Paris.
Pas d'ingurgitation de malto cette fois-ci : les réserves de glycogènes, on les fera en mangeant des féculents à chaque repas trois jours avant et puis voilà.
Le jour d'avant, je récupérais mon dossard plutôt sereine et c'est avec une petite nuit de quatre heures (toujours mieux que les deux heures habituelles lors de mes deux précédents marathons) que je me rendais sur l'Avenue des Champs-Elysées ce dimanche 9 avril.

  • Le départ, le premier semi
Je suis partie seule depuis ma résidence située à Boulogne laissant derrière moi ma petite famille qui allait venir enfin, pour ce troisième marathon, me supporter sur le parcours. Je reste assez concentrée, toujours dans ma bulle comme depuis quelques jours, je lorgne sur tous ces coureurs que je vois dans le métro mais sans plus. Concentrée, la tête froide, avant tout.
J'arrive Avenue des Champs-Elysées, il est environ 8h15,  je rejoins tranquillement mon SAS des 3h45 dont le départ est prévu à 8h55.
Je savoure la beauté de l'Arc de Triomphe dans lequel les rayons du lever du soleil se reflètent, je savoure tous ces visages heureux d'être là à l'instant T, j'écoute les speakers et ce n'est pas sans émotions que j'entends Anne Hidalgo qui lance le premier départ des élites, les premières larmes, déjà qui jaillissent. Ce matin du 9 avril, la lumière est belle, les gens sont beaux, heureux, la ville est belle, l'Avenue, la Grande Roue au bout. J'ai une pensée aussi pour Stockholm qui vient d'être touchée par un attentat, une pensée pour toutes ces personnes parties injustement, de façon inopinée et punaise, je me dis que notre meilleure réponse, ce sont ces 57 000 coureurs, ces supporters, ces bénévoles et tous les autres qui s'engagent aujourd'hui et tous les autres jours où ils continuent de vivre pleinement.
On patiente un peu avant le départ, on nous échauffe, la musique est entraînante et déjà le soleil nous réchauffe le visage...

Je démarre à 9h05. Je sais qu'il ne faut pas que je m'emballe sur la descente de l'avenue où on aurait tendance à se griller avant l'heure entre la descente et l'euphorie de début de course. Car c'est euphorique, oui : la plus belle avenue du monde où s'emballent 57 000 coureurs, c'est tout de même très beau et je savoure ce moment comme il se doit.
Je suis bien. Premier objectif, le kilomètre 11 et le Château de Vincennes où Chloé m'attend côté gauche. Je dois y arriver en à peine une heure si je veux être dans mon objectif. J'y vais tranquillement et rejoins Chloé avec un peu plus de deux minutes de retard. Elle court un peu avec moi, on échange quelques mots et c'est donc Pierre qui m'encourage aussi (Coucou Pierre et désolé de ne pas t'avoir reconnu sur le coup). Le kilomètre 11 passé, on passe à l'objectif suivant, le semi, où débute tout marathon et notamment celui de Paris dont la première partie est jugée en général assez "facile".
Au semi, je savais aussi qu'Olivia et Marvin seraient positionnés, je me faisais un plaisir de les revoir.
Je continue ma course tranquillement et veille à m'hydrater souvent avec ce soleil qui chauffe de plus en plus.
Le semi passé, j'entends un "Anne-Claire" quelques mètres plus tard, c'est Olivia, j'étais concentrée et reviens un peu en arrière pour prendre un peu de son support, je crois que je commence à ce moment à souffrir réellement de la température.
Je repars, revigorée, et vais tâcher d'apercevoir désormais de nouveau Chloé qui se positionnait maintenant au kilomètre 22. Chose faite, elle est là, je prends tous les encouragements que je peux prendre.
Je continue ma course et me fixe le prochain palier : le km 30-31 où sera positionnée ma petite famille. Je me dis aussi que le plus beau du parcours est devant moi : les quais (et ses ponts casse-pattes), la Tour Eiffel, quelques kilomètres dans le bois de Boulogne, la Fondation Louis Vuitton qui nous rapprochera définitivement de l'arrivée.
Je continue ma course en buvant très régulièrement, les ravitaillements sont au top, un tous les 5 kilomètres avec eau fraîche et ce qu'il faut en fruits secs et bretzels dont j'ai apprécié le goût salé dans la deuxième partie de ce marathon. Je m'arrose aussi très régulièrement, toutes les 20 minutes si ce n'est moins.
  • Le tunnel du kilomètre 25 et la traversée du désert
Tout est dit dans le titre. Le kilomètre 25 arrive et avec lui un long tunnel sombre. Je pense d'abord que c'est bien de se retrouver enfin à l'ombre, une parenthèse loin de ce soleil qui brille chaudement, trop chaudement ce 9 avril 2017.
Et puis, le trou noir, je continue d'avancer dans ce tunnel, tantôt péniblement, tantôt comme un robot.
Le robot parce que je ne pense plus à rien, le trou noir total, le burn-out. je veux sortir de là, vite. je pense marcher mais non, je vais marcher, manger la barre de céréales que j'ai dans ma ceinture pour le réconfort mais je dois avant arriver au bout de ce tunnel et retrouver la lumière du jour comme si j'allais simultanément retrouver la lumière de mes pensées.
Le bout du tunnel, une autre femme qui marche aussi, je me mets dans ses pas et prends quelques minutes pour retrouver mes esprits, s'il vous plait.
La sortie du tunnel est en pente, je m'autorise cette montée à pied, en mangeant cette barre de céréales, en me réhydratant correctement. Arrivée là-haut, je repars, allez, tes amours t'attendent dans cinq kilomètres, tu vas finir par la voir cette Tour Eiffel sur le chemin du retour et te rapprocher encore plus de tes amours. Oui, ils m'attendent et je suis déçue, déçue, je leur avais dit que je serai à ce point vers midi, tu auras déjà vingt minutes dans le nez, je suis tellement désolée de les faire attendre plus.
J'ai beaucoup pensé à eux entre le kilomètre 25 et ce kilomètre 30. Et puis, à 28-29, je me suis aussi résignée à penser que peut-être ils ne seraient pas là : oui, tu es en retard et ton homme croit tellement en toi qu'il ne pense pas que tu puisses avoir du retard.
Le kilomètre 30, ce bar où nous avons pris un verre la veille au soir, ce tee-shirt orange que devait arborer mon mari que je ne verrai donc pas. Trop tard, tu es arrivée trop tard, il est plus de midi, il fait encore plus chaud et tu n'as pas vu tes amours. Peut-être au kilomètre 34 comme convenu ? Tu ne te fais pas d'illusions, tu continues d'avancer, lentement MAIS tu continues de COURIR. Je pense marcher plusieurs fois, j'en ai marre, mon corps a mal de cette chaleur qui l'accable trop mais quand je veux marcher, je me dis aussitôt que c'est autant de temps que tu ne retrouveras pas assez tôt tes amours, pas assez tôt Chloé, qui ont prévu de t'attendre chez Cartier sur les Champs-Elysées (Oui, Cartier, pour une future marathonienne, on aura sans doute pensé que c'était le point de rendez-vous parfait).
Kilomètre 34, je bifurque dans le Bois de Boulogne pour les cinq prochains kilomètres, je regarde scrupuleusement la foule au cas où, mais là non plus, ils ne sont pas/plus là.
Les kilomètres défilent péniblement, lentement, mais ils défilent malgré tout, je ne marche pas, je veux atteindre la Fondation Louis Vuitton : à partir de là, bordel de merde, le plus dur sera passé, à partir de là, tu pourras enfin espérer l'avoir autour de ton cou cette médaille.
La Fondation apparaît, on la reconnaîtrait entre mille. Bordel, je vais y arriver, je vais en voir le bout de ce marathon. La foule se fait bien plus dense, on sait tous que c'est bientôt fini, la foule nous le répète aussi.
Il fait chaud, très chaud, punaise, tu ne vas tout de même pas marcher à un kilomètre de la fin, non ? Non, ILS T'ATTENDENT CHEZ CARTIER, FILE !
Je suis à bout, je continue, j'essaie de regarder davantage autour de moi, j'essaie de capter les regards et les gestes de ces anonymes. Mais j'ai beaucoup puisé dans mes réserves depuis plusieurs kilomètres, j'ai du mal à faire la part des choses, je ne regarde qu'une chose, loin devant moi, loin pour voir apparaître cette arche verte.
Elle est là-bas, elle se rapproche, je trouve malgré tout la force d’accélérer bien comme il faut, de lever haut les jambes, je n'ai d'yeux que pour cette arche, j'y fonce, le plus vite possible.

  • La délivrance
L'arche. Elle est passée. Je m'arrête, enfin. Je pleure un bon coup, longtemps, très longtemps, J'en avais envie depuis longtemps dans ce marathon mais quand je commençais à pleurer, ça m'empêchait de respirer correctement.
Je pleure. De longues minutes, très longues minutes, le temps de remonter cette avenue jusqu'à l'Arc de Triomphe, le temps de récupérer ma médaille, mon tee-shirt de finisher, le temps que cette femme m'entoure, me murmure que tout va bien, que je l'ai fait, que "tu as terminé, ne t'inquiète pas". j'en ai gros sur le cœur, gros dans ma tête. je pleure de douleur, un marathon couru dans sa dernière moitié dans la douleur, je pleure de joie parce que bordel, tu es quand même marathonienne à Paris, ta prépa, tu l'as pas faite pour des prunes. Je pleure de tout ce qui a été enfoui ces derniers mois, tous ces aléas du quotidien, toutes ces choses que tu n'as pas su évacuer à l'instant T ou plus tard et qui sont restées enfermées au plus profond de toi.
De l'eau, je bois de l'eau qu'on nous donne, ça passe moyen. J'ai pas faim mais je sais qu'il faut que je mange quelque chose. Une pomme. Un, deux, trois morceaux, mais ça ne passe pas. Je dois m’asseoir, à l'ombre, je vais contre ce portail. Je me relève, ils m'attendent chez Cartier.
Il me faudra plusieurs minutes fastidieuses pour rejoindre Cartier. Je me suis encore arrêtée deux fois,  plus une quatrième fois juste devant eux, mes amours, devant Chloé, devant chez Cartier, allongée sur le trottoir car les points blancs s'étaient faits trop nombreux alors dans ma vision. Une passante nous tend une clémentine, une clémentine qui passera cette fois-ci. Je me relève doucement au bout de quelques minutes, me relève à la force de ces sourires en face de moi, me relève parce que cette journée n'est pas finie et qu'on a de trop bons moments à suivre.
On traverse l'avenue, je veux une belle photo de finisher avec eux que j'aime tant.
Je veux oublier que j'ai mal partout, je veux oublier la douleur de ce marathon, oublier d'avoir pensé plusieurs fois que c'était une folie de s'infliger cela.





  • Paris, Paris ?

J'ai souffert, poussée dans mes retranchements comme très rarement. Oui, j'ai pensé à maintes reprises que j'étais folle de m'infliger cela, à quoi bon, toi-même tu recherches avant tout ce qui est bon pour ton corps et t'éloignes de tout ce qui peut l’abîmer.
Le dimanche après-midi, j'ai récupéré, j'ai bien mangé, l'appétit était finalement bien revenu, mais j'avais encore mal et bonjour les escaliers, bonjour la marche dans Paris (et les quatre étages sans ascenseur des amis en soirée). Une fatigue extrême, j'étais tellement épuisée que je n'ai même pas eu le temps de refaire ma course la nuit suivante  comme il est souvent le cas après un marathon ou toute autre épreuve sportive intense : après des massages consciencieux sur les jambes à base de Baume du Tigre, j'ai dormi comme une véritable masse.
Lundi, il était déjà l'heure de repartir vers d'autres aventures, des aventures plus douces et une mise au vert, au calme, en famille. Sept heures de route. Sept heures où finalement ce sont davantage les bons moments de la course qui me sont alors revenus en tête. Sept heures de route à continuer de boire beaucoup pour me remettre plus facilement d'aplomb même si la nuit dernière fut très bénéfique et que les courbatures se sont bien estompées, très bien même. Ce sont les bons moments qui réapparaissent et ce calme olympien aussi, ce calme propre à tout accomplissement.
Car merde, j'en ai bavé mes amours, oui, vous l'avez vu, j'en ai bavé mais bordel de merde, je l'ai terminé mon Marathon de Paris dont je rêvais depuis deux ans.
33 ans mais je n'étais pas encore assez mûre pour cela.
34 ans mais le destin m'emportait à Düsseldorf pour ma première expérience marathon.
35 ans pour Paris. N'est-ce pas toi qui oser rêver d'un marathon pour tes 35 ans ? Bêtasse, t'es pas trop mal finalement, rappelle-moi, c'était ton combientième marathon celui-ci ?

Et aujourd'hui, j'ai trente-cinq ans tout juste et même si je ne parierai pas aujourd’hui que je continuerai de courir des marathons encore plusieurs années, je suis en revanche bien fière de me faire ce genre de cadeaux offerts par mes jambes mais aussi et surtout, comme il a été le cas pour ce Marathon de Paris 2017, par sa tête.
La puissance du mental qui vous emmène loin, très loin, et pas seulement sur des marathons.
Ne jamais mésestimer le mental.


Un grand merci à vous tous qui m'avaient adressée vos mots, vos encouragements pour cette épreuve qui, vous l'avez compris, est toujours folle et pas anodine. Des mots, des encouragements, qui sont en plus du mental, une force certaine, et qu'on mésestime aussi souvent (!) pour se lancer dans un tel objectif. Immense merci !
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